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La légende de Jeanne d’Arc : le destin d’une nation

Jeanne d'Arc guerrière

Jeanne d’Arc fait partie des plus grands personnages de l’histoire de France. Sainte de l’Église catholique et devenue chef de guerre pendant la guerre de Cent An (1336-1453) contre l’Angleterre, Jeanne d’Arc a indéniablement le mérite d’avoir inversé l’ascendant psychologique en faveur de la France.
Pour comprendre le personnage de Jeanne d’Arc, il est important d’expliquer le contexte historique de la France entre la fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle… Bonne lecture !

Contexte historique de la guerre de Cent Ans

La guerre de Cent Ans, qui s’étale de 1336 à 1453, est marquée par des périodes de conflits et de trêves entre la dynastie des Plantagenêt (royaume d’Angleterre) et la dynastie des Valois (royaume de France).

Frise chronologique – la branche Valois : de Philippe VI à François Ier

Frise chronologique - La branche Valois : de Philippe VI à François Ier
Frise chronologique – La branche Valois : de Philippe VI à François Ier

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Les conflits au sein du royaume de France

Depuis 1392, le roi de France Charles VI, couramment appelé « le Fol », vit de troubles psychiques qui lui imposent de délaisser le pouvoir à son Conseil (institution de gouvernement pendant les périodes monarchiques). Cela amène à des conflits au sein de ce Conseil, entre le duc Louis d’Orléans (le frère de Charles VI) et le duc de Bourgogne Philippe le Hardi (l’oncle de Charles VI).

Ces conflits s’intensifient lorsque Jean sans Peur succède à son père Philippe le Hardi et devient le nouveau duc de Bourgogne en 1404. Jean sans Peur fait assassiner le duc Louis d’Orléans (son frère) en 1407, ce qui déclenche une guerre civile entre les Bourguignons et les Orléans. Charles d’Orléans succède au duc assassiné. Les soutiens de la maison d’Orléans sont appelés les « Armagnacs », suite à l’engagement du comte Bernard VII d’Armagnac auprès de son beau-fils Charles d’Orléans.

Charles VI le Fol
Charles VI le Fol, roi de France

Les revendications du roi d’Angleterre Henri V

Le roi d’Angleterre Henri V, alors jeune et déterminé, et voyant ces conflits qui affaiblissaient le royaume de France, décide de relancer les hostilités avec la France et réclame des morceaux du royaume. En 1415, les Anglais attaquent la Normandie, et à partir de 1417, Henri V entame la conquête de la Normandie. Il s’empare de la capitale ducale, Rouen, en 1419.

Face à la menace anglaise, Jean sans Peur et le dauphin Charles (futur Charles VII, héritier du trône), alors cousins, se rencontrent le 10 septembre 1419. Jeans sans Peur, alors duc de Bourgogne, est tué. Deux hypothèses sont considérées : ce meurtre a été voulu par le dauphin lui-même, ou par certains conseillers armagnacs du dauphin. Philippe le Bon, alors successeur de son père Jean sans Peur, s’allie avec les Anglais : alors que le duc de Bourgogne devait garder un rôle important, celui-ci est réduit au rôle de vassal et conseiller des Lancastre (les Anglais).

Jean Ier, duc de Bourgogne, allias Jean sans Peur
Jean Ier, duc de Bourgogne, allias Jean sans Peur

Traité de Troyes

Les Anglais, appuyés par le soutien des Bourguignons, sont en mesure d’imposer le traité de Troyes, signé en 1420. Ce traité reflète le triomphe de la dynastie anglaise des Lancastre sur le royaume de France. Il stipule que, à la mort de Charles VI (roi de France), Henri V (roi d’Angleterre) deviendra régent du royaume de France et l’époux de Catherine de Valois (fille du roi Charles VI).

Ainsi, le dauphin Charles est privé de son droit de devenir roi. On parle de « double monarchie », puisque les deux royaumes anglais et français seraient dirigés par un souverain unique.

La mort de Henri V et de Charles VI

En 1422, Henri V et Charles VI meurent tous les deux. Les Anglais revendiquent Henri VI roi de France et d’Angleterre, bien que c’est son oncle, le duc Jean de Bedford, qui sera roi pendant la minorité de Henri VI.

De son côté, le dauphin Charles se proclame roi de France et poursuit la guerre contre les Anglais pour imposer sa légitimité. C’est ainsi que trois grands ensembles territoriaux peuvent être définis, respectivement gouvernés par les Lancastre (les Anglais), le duc de Bourgogne (allié avec les Anglais) et le roi Charles.

Les "trois France" en 1429 : monarchie franco-anglaise au nord, royaume de Bourges au sud, et duché de Bourgogne à l'est
Les « trois France » en 1429 : monarchie franco-anglaise au nord, royaume de Bourges au sud, et duché de Bourgogne à l’est. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_de_Bourges#/media/Fichier:La_France_en_1429.svg

De Domrémy à Rouen : Le parcours héroïque de Jeanne d’Arc

Le début de la vie de Jeanne d’Arc

Jeanne d’Arc est née en 1412 à Domrémy, dans le département des Vosges (Lorraine) dans une famille de paysans nommés « Darc » (ce n’est que plus tard dans sa vie que sa famille sera anoblie par le roi en 1429 et que son nom deviendra « d’Arc »).

Aînée d’une famille de cinq enfants, Jeanne est pieuse et se rend souvent à l’Église pour prier. Dès l’âge de 13 ans, elle entend des voix (l’archange Saint Michel, et les saintes Sainte Marguerite et Catherine) qui lui conseillent d’aller rencontrer le dauphin Charles (futur Charles VII), qui avait été alors évincé du trône de France au profit de Henri V.

Ses voix lui disent de libérer la France des Anglais et de faire sacrer le dauphin à Reims. Déstabilisée, Jeanne s’isole et s’éloigne des jeunes de son village qui moquent sa trop grande dévotion à religion.

Naissance de Sainte Jeanne d'Arc par Perceval de Boulainvilliers
Naissance de Sainte Jeanne d’Arc par Perceval de Boulainvilliers

Rencontre avec Robert de Beaudricourt

Par la suite, Jeanne rencontre Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, une forteresse voisine de Domrémy. La jeune fille lui demande l’autorisation de rencontrer les troupes du dauphin Charles VII afin de se conformer à une prophétie locale, qui évoquait alors une pucelle des Marches de Lorraine, salvatrice de la France.

Jeanne souhaite alors obtenir une lettre de crédit qui lui ouvrirait les portes de la Cour. Cependant, le seigneur local considère que Jeanne est une illuminée, et déclare qu’elle doit être giflée et ramenée chez elle.

Entre temps, Jeanne acquiers une certaine notoriété de guérisseuse lorsque le duc malade Charles II de Lorraine lui donne un sauf-conduit pour lui rendre visite à Nancy. Plus tard, elle est prise au sérieux par Baudricourt; ce dernier lui donne une escorte de six hommes qui constituent alors les premiers compagnons d’armes de Jeanne afin de partir à la rencontre du roi Charles VII.

Enluminure représentant Jeanne d'Arc en habit de paysanne, tenant une hallebarde et une épée
Sous un ciel diurne étoilé, vêtue en paysanne, Jeanne d’Arc se mue en guerrière armée d’une hallebarde et d’une épée. Elle désigne un château représentant le royaume de France. À droite de l’enluminure, le bois symbolise « les limites du royaume » d’où provient Jeanne. Lettrine historiée, Paris, Bibliothèque nationale de France

Jeanne d’Arc rencontre le dauphine Charles VII

C’est ainsi que Jeanne se met en route pour Chinon (siège de la cour sous le roi Charles), vêtue d’habits masculins, qu’elle parvient à rejoindre en onze jours (le 23 février 1429) en traversant les terres bourguignonnes. Elle est enfin autorisée à rencontrer le roi Charles, après réception de la lettre de Baudricourt.

Jeanne annonce quatre événements : la libération d’Orléans, le sacre du roi à Reims, la libération de Paris et la libération du duc d’Orléans.

Des clercs et docteurs en théologie à Poitiers attestent de ses qualités : « humilité, virginité, dévotion, honnêteté, simplicité ». Jeanne doit démontrer qu’elle parle effectivement au nom de Dieu; elle rétorque qu’il reste une action à accomplir, la levée du siège d’Orléans par les Anglais.

Jeanne d'Arc conduite devant le roi Charles VII à Chinon
Jeanne d’Arc conduite devant le roi Charles VII à Chinon

Jeanne est envoyée à Orléans

Pour ne pas que les ennemis du roi Charles qualifient Jeanne de « putain des Armagnac », ce dernier donne son accord pour envoyer Jeanne à Orléans, alors assiégée par les Anglais.

Equipée d’une armure et d’une bannière blanche frappée de la fleur de lys, Jeanne arrive à Orléans le 29 avril 1429. Elle est accueillie avec enthousiasme par la population locale (malgré des capitaines de guerre réservés). Avec sa foi et sa confiance, Jeanne donne une nouvelle énergie aux soldats français désespérés, qui finissent par contraindre les Anglais à lever le siège de la ville d’Orléans dans la nuit du 7 au 8 mai 1429.

Siege d'Orléans, 1428-1429
Siege d’Orléans, 1428-1429

A l’issue du siège, Jeanne rend visite à Charles VII au château de Loches pour lui annoncer la délivrance d’Orléans. Suite à la victoire de Patay (où Jeanne ne prend pas part aux combats), elle pousse le dauphin à profiter de ses succès pour se faire couronner à Reims. En raison de cette victoire, Jeanne est couramment surnommée la « Pucelle d’Orélans ».

Le siège de Troyes et le sacre du roi Charles

Pour arriver à Reims, la traversée de terres bourguignonnes est nécessaire, bien que celle-ci semble difficile étant donné que le roi Charles VII n’a aucun moyen de contrainte militaire. Le siège de Troyes, conflit du 4 au 9 juillet 1429, permet aux troupes du roi, assistées de Jeanne, d’assiéger la ville de Troyes (alors tenue par les Bourguignons) et de se rendre à Reims.

Le 17 juillet 1429, en présence de Jeanne d’Arc, Charles VII est sacré roi de France par l’archevêque Renault de Chartes dans la cathédrale de Reims.

Jeanne écrit à Philippe le Bon (duc de Bourgogne) pour lui demander la paix. Reims étant au centre des terres contrôlés par les Bourguignons, le sacre de Charles VII à Reims est vu par la population du royaume de France comme le résultat d’une volonté divine.

Sacre de Charles VII à Reims
Sacre de Charles VII à Reims

L’attaque sur Paris

A la suite de ces événements, Jeanne conseille à Charles VII de reprendre le contrôle de Paris, alors aux mains des Bourguignons et des Anglais. Ce dernier hésite.

Néanmoins, le 8 septembre 1429, Jeanne mène l’attaque des troupes du roi sur Paris. La chef de guerre est alors blessée par un carreau d’arbalète lors de l’attaque de la porte Saint-Honoré, ce qui met fin à l’offensive des troupes du roi.

Charles VII interdit tout nouvel assaut et Jeanne s’éloigne de celui-ci : elle devient chef de guerre indépendante, conduit sa propre armée et ne représente plus le roi.

Jeanne d'Arc à la porte Saint-Honoré lors du siège de Paris de 1429
Jeanne d’Arc à la porte Saint-Honoré lors du siège de Paris de 1429

Jeanne d’Arc capturée par les Bourguignons et vendue aux Anglais

En se rendant aux portes de Compiègne, alors assiégée par les Bourguignons, Jeanne est capturée par des capitaines bourguignons le 23 mai 1430. Elle est emprisonnée, tente de s’enfuir deux fois, en vain, et se blesse sérieusement en sautant par une fenêtre du château de Beaurevoir.

Le 21 novembre 1430, Jeanne est vendue aux Anglais pour dix mille livres tournois, et est confiée à l’évêque de Beauvais, alors allié des Anglais. Ceux-ci l’amènent à Rouen.

Le procès de Jeanne d’Arc à Rouen

Le procès s’étale du 21 février au 23 mai 1431, dans le château de Rouen. Jeanne est accusée d’hérésie, et est emprisonnée dans une tour du château Philippe Auguste à Rouen.

Cent vingt personnes sont présentes au procès, dont des chanoines, des docteurs, des abbés et des délégués de l’université de Paris. Jean Lemaître, un des juges présents au procès, déclare : « Je vois que si l’on n’agit pas selon la volonté des Anglais, c’est la mort qui menace. »

Les juges reprochent à Jeanne d’Arc le port d’habits d’hommes, d’avoir quitté ses parents sans autorisation, et avant tout qu’elle ait été aux ordres du jugement de Dieu plutôt que celui de « l’Église militante » (l’autorité ecclésiastique terrestre). Ils déclarent que les voix que Jeanne entendait étaient inspirées par le démon.

L’université de Paris déclare Jeanne coupable d’être schismatique, apostate, menteuse, devineresse, suspecte d’hérésie, errante en la foi, blasphématrice de Dieu et des Saints. Jeanne tente de demander l’intervention du Pape, mais cette demande est refusée par les juges.

« Sur l’amour ou la haine que Dieu porte aux Anglais, je n’en sais rien, mais je suis convaincue qu’ils seront boutés hors de France, exceptés ceux qui mourront sur cette terre. »

Déclaration de Jeanne d’Arc lors de son procès le 15 mars 1431
Procès de Jeanne d'Arc à Rouen
Jeanne d’Arc présentée à son juge rouennais, l’évêque Pierre Cauchon, entouré de ses assesseurs

La condamnation et l’exécution de Jeanne d’Arc

Le 30 mai 1431, Jeanne d’Arc est condamnée au bûcher par le tribunal de Rouen, qui la livre au « bras séculier ». Jeanne confesse et est conduite vers neuf heures du matin, sous escorte anglaise, place du Vieux Marché à Rouen.

Trois estrades ont été placées : la première pour le cardinal de Winchester et ses invités, la seconde pour les membres du tribunal civil, et le troisième pour le prédicateur Nicolas Midi et Jeanne elle-même.

Après le prêche et la lecture de sa sentence, Jeanne est conduite au bûcher dressé en hauteur. De nombreuses théories ont vu le jour à la suite de cet événement : un écriteau où étaient inscrits les péchés de Jeanne la cachait, ou encore qu’elle était coiffée de la mitre d’infamie qui empêchait de voir son visage. La légende survivantiste dit que Jeanne aurait survécu au bûcher, et qu’une autre personne aurait été condamnée à sa place.

A la demande du cardinal de Winchester, trois crémations ont eu lieu, afin de s’assurer qu’il n’y ait aucun reste de son corps.

Jeanne d'Arc condamnée au bûcher
Jeanne d’Arc condamnée au bûcher

L’enquête sur le procès de Jeanne d’Arc

Un des premiers actes de Charles VII après la reprise de Rouen est d’ordonner une enquête sur le procès qui a fait condamner Jeanne, malgré l’opposition des autorités ecclésiastiques et du pape Nicolas V. Guillaume Bouillé, docteur en théologie, est chargé d’interroger les témoins survivants.

Le nouveau procès s’ouvre finalement le 7 novembre 1455 à la demande de la mère de Jeanne, et aboutit, le 7 juillet 1456, à l’annulation du premier procès. Pierre Cauchon, évêque de Beauvais et ancien recteur de l’université de Paris, qui avait fait condamner Jeanne en 1431, est le principal accusé.

Le procès de 1431, qui avait fait condamner Jeanne au bûcher, avait pour premier but de montrer que ses actes n’étaient pas de la volonté du Dieu, mais inspirés par le diable. Cela afin de prouver que Charles VII n’était pas soutenu par Dieu, et donc de le délégitimer.

Le procès de réhabilitation de Jeanne de 1456 fut encouragé par Charles VII qui s’était senti atteint dans son honneur, et voulait restaurer sa légitimité divine. Pour toutes ces raisons, les deux procès peuvent être qualifiés de procès politiques.

Conclusion

Sans la guerre de Cent Ans et sans l’occupation d’une bonne partie du royaume par les Anglais, Jeanne d’Arc serait sans doute restée toute sa vie dans son village de Domrémy ou dans les environs.

Jeanne a pris conscience, au fil des événements, qu’elle se rattachait à un ensemble plus vaste que son horizon familier : le royaume de France.

Avant l’intervention de Jeanne d’Arc, les Anglais dominaient le royaume de France et bénéficiaient d’un avantage psychologique extrêmement important pour plusieurs raisons :

  • La réputation d’invincibilité de leurs troupes;
  • Le traité de Troyes qui déshéritait le dauphin Charles;
  • Un sentiment de résignation au sein du royaume de France;
  • Leur alliance avec les Bourguignons.

Après la libération d’Orléans et de Reims, et le sacre du roi Charles VII, c’est le royaume de France qui prend le dessus dans la seconde phase de la Guerre de Cent Ans.

Bien que la guerre ait fini plus de vingt ans après sa mort, Jeanne d’Arc a joué un rôle capital vers la victoire finale.

Après la boucherie de 1914-1918, Jeanne est vue comme une figure qui peut réconcilier tous les Français, elle est alors proclamée une des deux saintes patronnes secondaires de la France (après la Vierge Marie) par le pape Pie XI, en 1922. Sa fête nationale est instituée par la loi en 1920 et fixée au deuxième dimanche de mai.

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