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Comment les rois Carolingiens succèdent-ils aux Mérovingiens ? De Dagobert à Charlemagne (2/4)

Portrait Dagobert

Cet article est le second numéro de la série l’épopée des rois de France.

Dans le chapitre précédent (Comment Clovis est-il devenu roi des Francs ?), nous avions vu comment est né le royaume franc sur les ruines de l’Empire romain et comment Clovis a réussi à l’unifier. Sa succession en l’an 511 marque le début d’une période de morcellement du royaume. C’est dans ce contexte que Dagobert Ier marquera l’Histoire.

Comment Dagobert réussira-t-il à unifier le royaume des Francs ? Pourquoi nous souvenons-nous de lui encore aujourd’hui ? A quoi ressemblaient les rois fainéants aux VIIe et VIIIe siècles ? Comment Charles Martel a-t-il repoussé l’invasion musulmane ? Comment la dynastie des Carolingiens a-t-elle remplacé celle des Mérovingiens ?

Temps de lecture : environ 15 minutes.

Frise chronologique – La Dynastie Mérovingienne : de Clovis à Pepin le Bref

Avant de rentrer dans le vif du sujet, voici une frise qui présente la trame historique de cet article.

Frise chronologique - La Dynastie Mérovingienne : de Clovis à Pepin le Bref
Frise chronologique – La Dynastie Mérovingienne : de Clovis à Pepin le Bref

I- Dagobert Ier : l’unificateur éphémère (629-639)

Au cœur du haut Moyen Âge français, l’ombre du roi mérovingien Dagobert Ier continue d’occuper une place de choix dans notre imaginaire collectif. Mais qui était vraiment ce personnage, dont la légende a transcendé les siècles ?

1. Le paysage politique du VIIème siècle : l’émergence des Maires du Palais

Au VIIème siècle, le pouvoir royal est progressivement affaibli et délégué aux aristocrates, plus particulièrement aux maires du palais qui sont à l’origine des intendants du roi. Ces maires du palais deviennent de plus en plus puissants, prenant en charge les responsabilités de gouvernance et laissant au roi un rôle largement cérémonial. Ce sont d’ailleurs eux qui assurent la régence en l’absence du monarque.

Qu’est-ce qu’une régence ?

Une régence est une période pendant laquelle une personne, le régent, gouverne à la place du monarque officiel qui ne peut exercer son pouvoir pour diverses raisons, comme la minorité, la maladie ou l’absence. La régence de Philippe d’Orléans de 1715 à 1723 est probablement la plus célèbre de l’Histoire de France. Durant cette période, le roi Louis XV, petit-fils de Louis XIV (le fils de Louis XIV est mort quatre plus tôt), est trop jeune pour gouverner. A peine âgé de cinq ans, il est placé sous la tutelle de son arrière-oncle Philippe d’Orléans.

2. La naissance d’un roi

En 604, Dagobert voit le jour. Il grandit sous la houlette de trois formateurs dévoués et influents : Eloi, Ouen et Amand. Grâce à eux, Dagobert entreprend la reconquête du pouvoir, voyant que la rivalité tenace entre Neustrie et Austrasie nécessite l’intervention d’un roi unificateur.

Premiers pas vers la royauté

Avant de porter la couronne, Dagobert représente son père, Clotaire II, comme délégué du roi. Dans ce rôle, il se consacre à uniformiser et rationaliser la justice. Il sera en ce sens le précurseur de Saint-Louis (Louis IX), rendant la justice où qu’il se trouve.

Le jeune Dagobert en compagnie de son père Clotaire II et l'évêque Saint-Arnoul. Grandes chroniques de France. Paris, XIVe ou XVe siècle.
Le jeune Dagobert en compagnie de son père Clotaire II et l’évêque Saint-Arnoul. Grandes chroniques de France. Paris, XIVe ou XVe siècle

3. Dagobert Ier, roi des Francs

À la mort de Clotaire II en 629, Dagobert Ier prend les rênes du royaume (sauf l’Aquitaine qui revient à son frère Caribert II jusqu’à sa mort en 632). Il s’établit en région parisienne, faisant de Paris un centre administratif florissant. Il entame une grande réforme avec ses amis d’enfance, aujourd’hui Saints reconnus de l’Église : Saint-Eloi, Saint-Ouen et Saint-Amand. Ensemble, ils mettent en œuvre une série de changements qui marqueront durablement le royaume.

4. Les grands travaux de Dagobert Ier et ses Saints compagnons

Le trio s’emploie à transformer la France. Saint-Eloi agit comme une sorte de premier ministre, gérant les finances du royaume, d’où la chanson « le bon Saint-Eloi ». Saint-Ouen œuvre à uniformiser la loi en accord avec les valeurs d’une société chrétienne, tandis que Saint-Amand s’efforce d’assainir le clergé.

Saint-Amand à la cour de Dagobert
Saint-Amand à la cour de Dagobert

Une période d’apaisement du royaume

Leur travail porte ses fruits : la paix s’installe, l’économie s’épanouit. Le centre de gravité des échanges et du commerce se déplace vers la mer du Nord, renouvelant l’orientation de l’économie précédemment tournée vers la Méditerranée. Les Mérovingiens agrandissent les ports sur la mer du Nord, installent des droits de douane et tournent leurs intérêts commerciaux vers le monde anglo-saxon. L’aristocratie et l’Église prennent le contrôle des grands domaines agricoles.

Le VIIème siècle : le siècle des évêques

Sous l’impulsion des Saints et de Dagobert Ier, le VIIe siècle voit l’influence de l’Église grandir. Les évêques encouragent le développement de l’agriculture, construisent et rénovent les édifices religieux, en particulier les monastères sous l’égide de Saint-Benoît. Ils relancent l’artisanat, tiennent la ville, l’auspice, l’école, et gèrent une partie de l’administration judiciaire et fiscale.

5. La légende du trône de Dagobert

Le « trône de Dagobert » n’est surement qu’une chaise mérovingienne ancienne, mais elle a une grande valeur symbolique en tant que relique du passé mérovingien de la France. L’histoire raconte que Napoléon Ier, lors d’une visite à l’abbaye de Saint-Denis, aurait demandé à s’asseoir sur ce trône. En faisant cela, il se positionnait lui-même dans une lignée de rois français remontant à l’époque mérovingienne, renforçant ainsi sa légitimité en tant que dirigeant de la France.

6. Le départ d’un roi

Le 19 Janvier 639, le roi Dagobert Ier rend son dernier souffle. Son corps est placé dans un tombeau à Saint-Denis, qui deviendra la nécropole de tous les rois de France, de Louis VI à Charles X (qui fut d’ailleurs le dernier roi à porter le titre de « roi de France » – de 1824 à 1830 – car Louis-Philippe régnera après lui en tant que « roi des Français » de 1830 à 1848 – sa légitimité venant du peuple et non plus de Dieu).

Mort de Dagobert Ier
Mort de Dagobert Ier. Chronique des empereurs, XVe siècle. Paris, bibliothèque de l’Arsenal

Un héritage puissant encore aujourd’hui

Dagobert Ier a marqué l’Histoire de France, par son œuvre politique, ses réformes religieuses, mais aussi par sa personalité de bon vivant proche du peuple. Il est le modèle du bon roi, comme le fut mille ans plus tard Henri IV.

Le bon roi est notamment connu pour son œuvre bienfaitrice en Neustrie où il a favorisé le développement d’une Abbaye construite autour du culte de Saint-Denis. Il donna des terres à cette abbaye et l’autorisa à organiser des foires. Il fut donc reconnu par les évêques et les moines qui lui assureront sa légende postume.

Histoire de l’évêque Saint-Denis

Saint-Denis – premier évêque de Paris – est tristement célèbre pour avoir été décapité par les Romains sur le Mont des Martyrs en 258. Il aurait alors pris sa tête et marché en direction du nord, le long de la fameuse rue des Martyrs actuelle. C’est d’ailleurs sous le règne de Clovis que fut construite la Basilique de Saint-Denis où ce dernier se serait arrêté.

Statue de Saint-Denis portant sa tête. Cathédrale notre Dame de Paris
Statue du martyr chrétien Saint-Denis portant sa tête. Cathédrale notre Dame de Paris

Après dix années (629-639) de règne et d’unification du royaume, Dagobert laisse place à une période plutôt chaotique dans l’Histoire de la monarchie française. Ses successeurs marqueront la période des rois fainéants.

II- La succession chaotique de Dagobert

Au VIIe siècle, après la mort du bon roi Dagobert Ier, le royaume des Francs se trouve en pleine mutation. Ses deux fils, Sigebert III et Clovis II, n’ont que 10 et 5 ans respectivement lorsqu’ils héritent du pouvoir. Cette période troublée voit l’équilibre précaire de l’unité du royaume s’effondrer, laissant place à un chaos politique et social.

1. Division grandissante entre Austrasie et Neustrie

Les deux fils de Dagobert se partagent le royaume entre l’Austrasie et la Neustrie :
– Sigebert III hérite du royaume d’Austrasie (équivalent de l’Allemagne actuelle),
– Clovis II hérite du royaume de Neustrie (région parisienne actuelle) et de Burgondie (Bourgogne actuelle).

(À noter qu’à cette époque l’Aquitaine est toujours indépendante et ne fait pas partie du royaume franc).

Les Mérovingiens ont de plus en plus de mal à maintenir l’unité entre la Neustrie et l’Austrasie, deux royaumes qui partagent les mêmes coutumes des guerriers francs.

Cette division grandissante esquisse le futur morcellement du royaume franc en deux grandes parties : l’Empire germanique et la France. Cette transformation ne s’opérera officiellement qu’après le partage du royaume franc par les petits-fils de Charlemagne, lorsque Louis le Germanique deviendra roi de Germanie.

2. La période des Rois Fainéants

C’est à cette époque que les monarques sont qualifiés de « Rois Fainéants ». Les rois de ce temps, probablement limités intellectuellement en raison de la consanguinité, sont relégués à des rôles symboliques, tandis que les maires du palais gouvernent. Ces rois étaient néanmoins respectés en tant que figures sacrées. Ils continuent à jouer un rôle cérémoniel important dans le royaume, symbolisant la continuité et l’unité de l’État, mais ce sont bien les maires du palais qui, en coulisses, tiennent les rênes du pouvoir.

En assumant les responsabilités du gouvernement, les maires du palais accroissent progressivement leur pouvoir et leur influence. Ils finiront par éclipser totalement les rois, jusqu’à ce qu’un des leurs, Pépin le Bref, s’empare du trône et donne naissance à la dynastie carolingienne avec Charlemagne.

III- Vers l’avènement des Carolingiens

1. Pepin II, prince de Neustrie et d’Austrasie

En 690, Pepin II (aussi connu sous le nom de Pepin de Herstal), le grand-père de Charles Martel, réussit finalement à unifier Neustrie et Austrasie et devient prince des Francs. Il possède le titre de prince et non de roi car la dynastie mérovingienne est toujours sur le trône. Pepin II n’est en fait qu’un maire du palais ayant une très grande influence.

Saint-Hubert offrant ses services à Pepin de Herstal. Par David Aubert
Saint-Hubert offrant ses services à Pepin de Herstal. Par David Aubert

2. Charles Martel succède à Pépin II de Herstal

L’expansion du monde musulman

En 711, les musulmans envahissent l’Espagne wisigothique, après avoir conquis l’Afrique du Nord. Trois ans plus tard, en 714, ils établissent « Al-Andalous » sur la péninsule Ibérique, qui donnera l’Andalousie actuelle. La même année, Pepin II meurt, laissant son petit-fils Charles Martel, âgé de 30 ans, en position de pouvoir.

Carte de l'expansion de l'Islam au VIIe et VIIIe siècle
Carte de l’expansion de l’Islam au VIIe et VIIIe siècle

En 720, Charles Martel prend les rênes du pouvoir après avoir déclaré la guerre à la Neustrie. Il parvient à placer des rois mérovingiens (Clotaire IV, Thierry IV, Chilperic III) sur le trône du royaume franc, en fonction de ses propres intérêts. Son influence grandissante le fait surnommer « vice-roi » par le Pape. Pourtant, malgré son autorité, Charles Martel ne parvient pas à imposer sa nouvelle dynastie.

Charles Matel : sauveur du royaume franc

La progression des cavaliers musulmans ne s’arrête pas à l’Ibérie ; ils lancent des raids dans le royaume franc. Devant cette menace, le duc d’Aquitaine appelle Charles Martel à l’aide pour stopper l’avancée de ces envahisseurs. Le jeune leader franc se prépare alors à défendre son royaume et à repousser ces incursions.

En 732, après avoir pillé la Basilique Saint-Hilaire de Poitiers, l’armée musulmane est sur la route du monastère le plus populaire du royaume : Saint-Martin de Tours.

Le 25 octobre 732, à la bataille de Poitiers, les troupes musulmanes sont écrasées ; Charles Martel devient le défenseur de la civilisation chrétienne. Cette victoire entraîne l’annexion de l’Aquitaine, renforçant ainsi l’unification des royaumes francs.

Charles Martel à la bataille de Poitiers en Octobre 732. Représentation par Charles de Steuben (1837)
Charles Martel à la bataille de Poitiers en Octobre 732. Représentation par Charles de Steuben (1837)

3. Pepin Le Bref succède à Charles Martel

Charles Martel meurt en 741. Il n’est pas roi de France, mais est innumé dans l’Abassyale de Saint-Denis. Son fils Pépin le Bref (en raison de sa petite taille), prend le relais, toujours en tant que maire du palais. Son règne marque une nouvelle division entre la Neustrie et l’Austrasie car Pepin contrôle la Neustrie et son frère Carloman l’Austrasie. Cependant, la retraite de ce dernier dans l’abbaye du mont Cassin en Italie en 747 laisse à Pépin le champ libre.

La légitimité des Mérovingiens remise en cause

La dynastie des Mérovingiens décline petit à petit, et ce n’est qu’une question de temps avant que la dynastie des Pipinides (futures dynastie carolingienne à partir de Charlemagne) ne prenne officiellement le pouvoir.

« Qui doit être le roi ? Celui qui règne effectivement et qui en a les compétences, ou celui qui a les cheveux longs et qui sait à peine monter à cheval ? Que vaut ce roi si on le compare au fils de Charles Martel (Pepin le bref) ? La bataille de Poitiers n’est-elle pas un message divin ? »

Imineo Documentaires

Pepin confie alors la responsabilité de cette opération de communication aux moines de l’Abbaye de Saint-Denis.

Pepin le Bref devient roi des Francs

C’est finalement en 751 que Pepin le Bref réussit à évincer Chilperic III du pouvoir, avec l’autorisation préalable du pape. Il se fait couronner roi des Francs à Soisson ; c’est une sorte de coup d’Etat organisé par les futurs Carolingiens.

Portrait Pepin le Bref
Portrait Pepin le Bref

Pepin se fait ensuite sacrer roi par le Pape Etienne II dans l’abassyale de Saint-Denis. C’est un moment historique car auparavant jamais un Mérovingien n’avait été sacré. Comme Clovis, ils étaient seulement baptisés puis couronnés, signifiant qu’ils tenaient leur légitimité de Dieu. Mais Pepin fait mieux ; il est l’élu, il ne se contente pas d’être en accord avec le projet divin, il est censé le concrétiser.

Pépin le Bref couronné par le pape Étienne II. Enluminure des Chroniques de Saint-Denis, Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève
Pepin le Bref couronné par le Pape Etienne II. Enluminure des Chroniques de Saint-Denis, Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève

Deuxième sacre qui témoigne de l’importance de l’Eglise

En Juillet 754, Pepin se fait sacrer une deuxième fois par le Pape, ainsi que ses deux fils, Carloman et Charles. C’est l’acte de naissance de la dynastie carolingienne qui conduira Charles vers le couronnement impérial.

Sous son règne, Pepin modernise le droit et centralise le pouvoir. Le trésor royal de patrimoine privé devient budget d’Etat. La capitale n’est pas encore Paris.

4. Vers la consécration de Charlemagne

A la mort de Pepin, le 24 septembre 768, le royaume est divisé entre ses deux fils : Carloman, roi de Francie orientale, et Charles, roi de Francie occidentale. Charles, plus connu sous le nom de Charlemagne, devient le seul roi des Francs trois ans plus tard, à la mort de son frère Carloman en 771.

Portrait de Charlemagne, par  	
Albrecht Dürer
Portrait de Charlemagne, par
Albrecht Dürer

Comment Charlemagne met-il en place la dynastie Carolingienne ? Comment devient-il Empereur d’Occident et façonne-t-il l’Europe médiévale ? Quel est son héritage ?

Je vous invite à découvrir les réponses dans le troisième article de l’épopée des rois de France : Comment Charlemagne a-t-il conquis le trône d’Europe ?

La trame historique qui vous attend est présentée dans la frise chronologique ci-dessous.

Frise chronologique – L’avènement des Carolingiens : de Pepin le Bref à Charles le Chauve

Frise chronologique - L'avènement des Carolingiens : de Pépin le Bref à Charles le Chauve
Frise chronologique – L’avènement des Carolingiens : de Pépin le Bref à Charles le Chauve
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