La campagne du Danube de 1809 (connue sous le nom de campagne d’Allemagne et d’Autriche) se déroule pendant la guerre de la Cinquième Coalition contre l’Empire français, d’Avril à Octobre 1809.
C’est au cours de cette campagne que Napoléon et la Grande Armée subissent leur première grande défaite à Essling les 21 et 22 mai 1809 ; une bataille qui a également entraîné la première mort d’un maréchal d’Empire, le maréchal Jean Lannes.
Toutefois, les victoires françaises à Eckmühl, Ratisbonne et surtout Wagram permettent à l’Empire napoléonien de consolider son hégémonie sur le continent.
La signature du traité de Vienne le 14 Octobre 1809 met fin à la guerre et confirme la victoire française.
Quel était le contexte politique et militaire en Europe au début du XIXe siècle ? Pourquoi l’armée de Napoléon était-elle divisée ? Pourquoi le grand projet européen de Napoléon faisait-il peur aux monarchies européennes ?
Comment la grande armée a-t-elle vaincu les Autrichiens à Wagram ?
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Frise chronologique : de la prise de la Bastille au couronnement de Napoléon Ier
Pour comprendre le contexte historique du début du XIXe siècle en France.
J’en profite pour vous rappeler que vous avez accès à toutes les frises chronologiques sur cette page : Frises chronologiques – de la Gaule romaine à la proclamation de la IVe République.
I- Contexte politique et militaire en Europe
Un aperçu de l’échiquier européen : la France contrôle de vastes territoires
Au début du XIXe siècle, Napoléon Bonaparte étend l’influence française à travers l’Europe, créant une série de républiques satellites, de royaumes et de duchés dirigés par des membres de sa famille ou des alliés.
L’Italie est sous le contrôle de la France
L’Italie est sous le contrôle de la France, avec notamment le beau-frère de Napoléon – Joachim Murat – roi de Naples depuis 1808.
L’Allemagne de l’ouest est sous protection française
En 1806, Napoléon dissout le Saint-Empire romain germanique et établit la Confédération du Rhin, une fédération d’États allemands sous la protection française.
Le duché de Varsovie est un état satellite de la France
Après le démembrement de la Pologne, le duché de Varsovie devient un état satellite de la France. Il couvrait une grande partie du territoire de l’actuelle Pologne.
Le royaume de Hollande est gouverné par un des frères de Napoléon
En 1806, Napoléon installe un de ses frères – Louis Bonaparte – comme roi du royaume de Hollande (qui couvrait une grande partie des actuels Pays-Bas) en 1806. D’ailleurs, en 1810, Napoléon annexera ce royaume à l’Empire français en raison de la réticence de Louis à appliquer le blocus continental contre le Royaume-Uni.
La Russie joue le jeu du blocus continental contre l’Angleterre
En 1807, après la campagne de Prusse et la bataille de Friedland, Napoléon et le tsar Alexandre Ier de Russie signent le traité de Tilsit, qui solidifie une alliance franco-russe.
Alexandre Ier, Tsar de Russie, accepte formellement de se joindre au blocus continental instauré par Napoléon et de fermer les ports russes au commerce britannique. C’est un coup dur pour les Britanniques, car la Russie est un important partenaire commercial pour eux, surtout pour des produits comme le chanvre, le bois et le blé.
La Prusse est hors d’état de nuire
Après ses défaites successives contre Napoléon en 1806 (batailles d’Iéna et d’Auerstaedt en 1806, batailles d’Eylau et de Friedland en 1807), la Prusse est considérablement affaiblie. Elle perd des territoires et est réduite en influence, ce qui la met hors d’état de nuire pour un certain temps.
L’Autriche est une des rares puissances européennes encore capable de défier Napoléon
Malgré sa lourde défaite à Austerlitz en 1805, l’Autriche se relève et redevient rapidement menaçante. Vous trouverez une présentation de la bataille d’Austerlitz dans ce passage de l’article sur la première campagne du Danube de 1805.
En 1809, l’Autriche est l’une des rares puissances continentales majeures encore en mesure de défier Napoléon, ce qui mène à la guerre de la Cinquième Coalition et à la deuxième campagne du Danube de 1809 que je vous présente dans la suite de cet article.
L’Angleterre, un ennemi constant de Napoléon et de la France
L’Angleterre, quant à elle, reste un adversaire constant de Napoléon et, bien qu’elle soit isolée du continent en raison du Blocus continental, continue de soutenir des coalitions contre la France et de combattre la marine française sur mer.
Souvenez-vous notamment de l’anéantissement de la flotte française par l’amiral Nelson dans la baie d’Aboukir en 1798 lors de la campagne d’Egypte.
La grande armée est divisée
Une partie en Espagne
En novembre 1808, l’armée française est divisée. Une partie est engagée en Espagne, où elle est vue comme une force d’invasion et doit affronter un peuple hostile.
En Janvier 1809, dans la région de la Coruna (La Corogne), les français affrontent les britanniques. L’objectif est d’asseoir une fois pour toute la domination française sur la péninsule ibérique, mais tout ne se passe pas comme prévu.
Napoléon intervient avec sa Grande Armée, parvenant à stabiliser partiellement la situation à Madrid. Cependant, l’Espagne mobilise 200 000 hommes et les forces françaises s’embourbent dans une longue et dévastatrice bataille contre les britanniques.
Une partie à la frontière autrichienne
L’Autriche, qui n’a pas pardonné son humiliation de la défaite d’Austerlitz et du traité de Presbourg (voir l’article sur la première campagne du Danube) veut prendre sa revanche et tient peut-être une fenêtre de tir.
Le rapport de force est nettement à l’avantage des Autrichiens : ils disposent d’environ 300 000 hommes et de plus de 700 canons alors que l’Empire français – en comptant sur ses jeunes conscrits et les Allemands, le Hollandais, les Italiens, les Polonais – peut péniblement espérer lever une armée de 200 000 hommes.
Les deux camps se préparent et la guerre semble inévitable entre la France et l’Autriche.
Si l’on regarde plus à l’est, l’alliance avec le Tsar Alexandre Ier de Russie permet à Napoléon de contenir les frontières européennes, mais jusqu’à quand … ?
La situation interne en France est de plus en plus préoccupante
L’opinion public est lassé des guerres à répétition
En France, la campagne d’Espagne n’est pas favorablement perçue par la population. Lorsque Napoléon fut élu Premier Consul (1799), puis ultérieurement proclamé Empereur (1804), il avait promis la paix, la prospérité et un retour à la stabilité.
« Dix ans de rébellion, de coup d’Etat et d’oppression ont entraîné chez la population un désir profond de paix et de sécurité. La France sacrifie la liberté et la démocratie connues un court instant, pour le pouvoir d’un homme qui a tous les pouvoirs et tient fermement les rênes du gouvernement »
Voir l’article sur l’ascension de Napoléon Bonaparte.
Napoléon se méfie de ses proches conseillers
Le ministre de la police, Joseph Fouché, est démis de ses fonctions. Les relations sont de plus en plus tendues avec Talleyrand, ministre des relations internationales.
Le projet titanesque de Napoléon : bâtir un nouveau système politique européen
Dans les mots de l’historien Thierry Lentz (livre “Napoléon diplomate”), le projet de Napoléon est de bâtir un nouveau système politique, issu de la Révolution de 1789, dont il serait le père fondateur, comme César ou Charlemagne.
La situation en Allemagne et en Italie
En Allemagne et en Italie la domination française est relativement tolérée. La notion de patrie unifiée, allemande ou italienne, n’est pas encore ancrée dans les mœurs à cette époque.
Que ce soit à Nuremberg, Francfort, Munich, ou Rome, Turin ou Venise, les populations n’ont pas conscience de faire partie d’un même peuple. Pour beaucoup d’entre eux, face à un choix entre la domination française ou autrichienne, la préférence tend à pencher en faveur de Paris.
La situation en Espagne
En Espagne, la situation est différente. L’idée d’une patrie fière et autonome est déjà bien ancrée chez la population.
Fondée sur le culte catholique, la monarchie espagnole est considérée comme divinement ordonnée ; c’est Dieu, et non Napoléon, qui choisit le roi. Cette perception contribue très probablement à la résistance espagnole face à la domination française.
De plus, depuis plusieurs années, l’Espagne est soutenue par l’Angleterre qui voit d’un très mauvais œil la tentative de Napoléon de faire appliquer le blocus continental sur le territoire ibérique.
II- La bataille d’Essling
L’Autriche déclare la guerre à la France
Le 12 Avril 1809, les Autrichiens lancent leur première offensive contre la France.
Plus à l’est, le Tsar Alexandre 1er semble changer d’allégeance et n’offre pas le soutien attendu à Napoléon.
Pour la première fois, les alliés Allemands, Hollandais, et Italiens vont devoir combattre aux côtés des français. Cependant, même avec leur soutien, la situation semble précaire face aux 300 000 soldats autrichiens. Avec ses 200 000 hommes mobilisés, la Grande Armée est en infériorité numérique sur tous les fronts.
La Grande Armée marche vers Vienne
Malgré l’infériorité numérique, la campagne commence bien pour les Français.
La Grande Armée prend rapidement le contrôle de la rive sud du Danube et poursuit son avancée en direction de Vienne. Les troupes de Charles d’Autriche se replient au nord du fleuve.
L’île de Lobau : carrefour éminemment stratégique
Le 13 Mai 1809, Napoléon prend position sur l’île de Lobau, une petite bande de terre au milieu du Danube à l’est de Vienne.
Les pontonniers français démontrent un savoir-faire exceptionnel, érigeant rapidement les ponts indispensables au passage de l’infanterie, des vivres et d’autres équipements.
Le 21 Mai 1809, les troupes françaises traversent le Danube et atteignent le village d’Essling sur la rive nord. Charles d’Autriche attend avant de lancer l’assaut.
Le rôle crucial des pontonniers
Pour assurer le va et vient de part et d’autre du Danube Napoléon fait construire des ponts en bois.
Charles, cherchant à contrecarrer cette initiative, ordonne la mise à l’eau de troncs pour endommager les structures édifiées par les pontonniers français. Sa stratégie porte ses fruits : les ponts sont démolis, empêchant l’acheminement de renforts français vers la rive nord. Ainsi, 30 000 soldats français se retrouvent isolés sur la rive sud.
Malgré ce coup stratégique de l’archiduc autrichien, les Français se ressaisissent grâce au remarquable travail des pontonniers.
Dans la nuit du 22 mai, les pontonniers parviennent à réparer l’un des ponts. Les affrontements reprennent aussitôt.
Les affrontements conduisent à la retraite des Français
A la suite d’un boulet de canon, le maréchal Lannes, fidèle des fidèles de Napoléon, perd la vie sur le champ de bataille. Cet évènement tragique donnera naissance à la célèbre toile d’Emile Boutigny.
Dominique Larrey, chirurgien en chef de la Grande Armée, dans ses mémoires :
“ Nous fûmes bloqués dans l’île et nous restâmes 3 jours sans pain. Pour les blessés, je fut forcé de préparer du bouillon avec de la viande de cheval. Un bouillon, que j’assaisonais, à défaut de sel, avec de la poudre à canon”.
Napoléon doit finalement se retirer de l’île de Lobau. C’est la première fois que l’Empereur des français recule depuis la campagne d’Egypte (1798-1799).
Cette défaite est un choc non seulement pour la France mais également pour l’ensemble de l’Europe. Jusque-là, l’aura d’invincibilité de Napoléon avait souvent précédé ses armées, influençant les stratégies et les réactions de ses adversaires.
Après la retraite d’Essling, Napoléon montre aux yeux du monde qu’il n’est pas invincible sur un champ de bataille.
Quel va être l’impact de cette nouvelle sur l’échiquier européen ?
Le Royaume-Uni, déjà un adversaire déterminé de Napoléon, pourrait être encouragé à intensifier ses efforts contre la France, en cherchant à nouer ou renforcer ses alliances militaires avec la cinquième coalition.
La Prusse, affaiblie après les défaites antérieures contre Napoléon, pourrait voir dans cette vulnérabilité une opportunité de redresser sa position ou de reconsidérer son alignement.
La Suède, qui avait ses propres contentieux avec la France, pourrait être incitée à adopter une position plus ouvertement hostile.
La Russie, déjà ambivalente vis-à-vis du Blocus continental, pourrait reconsidérer son alliance ou du moins ses engagements vis-à-vis de la France. Le Tsar, tout en ayant signé le traité de Tilsit, avait déjà montré des signes d’hésitation.
L’Empire français est à un tournant de son Histoire.
III- La bataille de Wagram
Malgré leur retrait de l’île de Lobau, les Français poursuivent toujours l’objectif de battre l’armée autrichienne.
La manoeuvre astucieuse de Napoléon
Le 2 juillet 1809, dans une ruse de guerre dont il a le secret, Napoléon feint un débarquement depuis l’île de Lobau en direction du nord. Mais, en réalité, il traverse le Danube par l’est, contournant la défense soigneusement mise en place par les Autrichiens au nord. La construction de ponts s’avère de nouveau indispensable.
Le 3 juillet, aux premières lueurs du jour, la Grande Armée prend pied sur la rive gauche du Danube. Charles, archiduc d’Autriche, est pris au dépourvu et décide de reculer vers le plateau de Wagram – sa position défensive – en attendant les renforts de son frère, l’archiduc Jean d’Autriche. L’Empereur des Français sait qu’il doit agir rapidement.
L’assaut du plateau de Wagram
Le 5 Juillet 1809, sans plus attendre, Napoléon ordonne une attaque frontale et massive sur le plateau de Wagram. Les pertes françaises sont considérables, et les Français sont contraints de reculer face à la résistance autrichienne.
Malgré ce premier recul, les Français se ressaisissent.
Le lendemain, le 6 juillet, les troupes du général Macdonald parviennent à percer le flanc gauche autrichien. C’est le tournant du combat : les lignes de Charles sont rompues, permettant aux Français de progresser en force au centre.
La bataille de Wagram est particulièrement sanglante. Sur une étendue de 12 km, les corps de 70 à 80 000 hommes – morts, blessés ou disparus – gisent à la vue de tous, témoignant de l’horreur des combats modernes.
Malgré l’ampleur des pertes et la brutalité du combat, Napoléon se voit attribuer une victoire décisive. Mais le coût humain de cette victoire rappelle cruellement les réalités de la guerre.
IV- Une paix, comme trop souvent, temporaire
Cessez-le-feu
Après des combats acharnés, l’archiduc Charles se retire à Znaim, située en Moravie. Face à l’ampleur des pertes et à l’épuisement de leurs troupes, les états-majors des deux armées, conscients de la nécessité d’une pause, s’entendent pour un cessez-le-feu.
Une victoire incomplète pour Napoléon
Sur le plan stratégique, malgré ses efforts, Napoléon ne parvient pas à ses fins.
À l’est, il n’a pas pu éradiquer totalement la menace autrichienne. À l’ouest, il demeure incapable de vaincre conjointement l’Espagne et l’Angleterre.
Ces échecs mettent sérieusement en péril son ambition de remodeler le paysage politique et territorial de l’Europe. Son grand projet européen est plus que jamais menacé.
Signature du traité de Vienne (ou traité de Schonbrunn)
Aussi connu sous le nom de traité de Schonbrunn, le traité de Vienne est signé le 14 Octobre 1809, entre la France et l’Autriche.
Ce traité consacre une redéfinition des territoires en Europe. L’Autriche perd la Galicie au nord, qui est cédée au duché de Varsovie (ou duché de Pologne), et la Dalmatie au sud, qui est annexée à l’Empire français.
Napoléon, désireux d’affaiblir davantage la Grande-Bretagne, contraint l’Autriche à adhérer au blocus continental.
Enfin, la cour de Vienne doit accepter le mariage de la fille (Marie-Louise d’Autriche) de son souverain (Charles) avec l’Empereur des français. Marie-Louise devient alors la nouvelle impératrice et donne un enfant à Napoléon en 1811 (Napoléon II).
Sur le papier, ce mariage semble renforcer les liens entre la France et l’Autriche, écartant théoriquement toute menace d’invasion autrichienne et résolvant les préoccupations liées à la succession au trône français. Cependant, les réalités politiques et les sentiments personnels ne coïncident pas toujours, et la paix européenne reste très fragile.
V- L’Europe à l’apogée de l’Empire Français
Trois ans après la paix de Schönbrunn, une bonne moitié du continent est sous domination française, directement sous la souveraineté de l’Empire ou d’un État vassal ou d’un allié (Prusse, Autriche, Danemark, Norvège).
Conclusion
La deuxième campagne du Danube de 1809 marque un tournant dans l’hégémonie napoléonienne en Europe. Si l’Empereur a étendu son influence et établi une série de territoires satellites, la résistance grandissante, illustrée par l’Autriche, et l’usure des guerres continues commencent à peser sur l’Empire français.
Si Napoléon a réussi à remodeler temporairement la carte de l’Europe, ses ambitions se sont heurtées à des réalités géopolitiques qui dépassent de loin le champ de bataille. Le traité de Vienne, bien qu’important, a toutefois montré les limites du pouvoir de Napoléon pour imposer une paix durable en Europe.
Cette paix précaire, ainsi que les coûts humains et politiques de ses campagnes, posent la question de la viabilité à long terme de l’empire napoléonien. Même si une grande partie de l’Europe est sous domination française en 1812, la nature éphémère de cette suprématie devient de plus en plus apparente.